Yanis Hamimi, entre ciel et terre

Yanis, consultant au service des projets et des prestations de l’IGN, est un géographe en mission. Celle-ci s’inscrit dans la lutte contre l’artificialisation des sols.

Sa mission est celle d’un passeur, d’un facilitateur pour engager la décision publique. Une base de données géographiques telle que l’Occupation du sol à grande échelle (OCS GE) n’est pas en soi une évidence. C’est entre le producteur et l’utilisateur qu’intervient notre consultant. Présenter, expliquer, convaincre parfois. Tels sont les rôles de notre géographe. 

Entré à l’IGN en 2021 après une double Licence et un double Master en géographie pour associer environnement et aménagement du territoire, suivis d’un stage au sein du leader mondial des semences agricoles et d’une année d’alternance chez un grand opérateur de télécommunications. Il signe avec l’institut son premier contrat, un contrat à durée déterminée de trois ans, pour associer sa connaissance de l’aménagement du territoire et ce nouveau référentiel basé sur l’intelligence artificielle : l’Occupation du sol à grande échelle. L’OCS GE est une description de l’occupation du sol séparant la couverture du sol et l’usage du sol. Le chantier OCS GE doit couvrir la France entière d’ici 2024. Une échéance qui dicte le calendrier de ses journées de travail. En trois ans notre consultant devra avoir rencontré, car il s’impose au moins un premier contact physique, toutes les directions départementales des territoires, toutes les agences d’urbanismes, toutes les intercommunalités de France pour que celles-ci puissent répondre à l’exigence nouvelle du Zéro Artificialisation nette (ZAN). Pour soutenir ce rythme et conjointement avec la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) les réunions s’enchainent dans son agenda, preuve de l’accélération de la production. Son travail, accompagner les acteurs publics vers une réduction de l’artificialisation des sols, il le conçoit  comme d’intérêt général.

Une mission de service public

« Avoir une responsabilité dans une mission de service public donne du sens et du plaisir à mon travail » dit Yanis, désireux d’« être là pour les autres ». L’histoire s’écrit sous ses yeux, la loi dite ZAN a été promulguée le 20 juillet 2023. Cette loi doit faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et renforcer l'accompagnement des élus locaux. Le travail de Yanis répond parfaitement à l’intitulé de cette loi : faciliter et accompagner. Ce défi demande aux Collectivités de réduire de 50 % le rythme d’artificialisation et de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020 avec l’objectif final du Zéro Artificialisation nette en 2050. La loi a nécessité un travail intense des parlementaires pour concilier développement et sobriété foncière. 

Voir et comprendre l’usage des sols

Pour aider les collectivités et à la demande du ministère chargé de l’écologie, l'IGN produit en collaboration avec le Cerema et l'Inrae le référentiel OCS GE qui décrit finement la couverture et l’usage des sols et leur évolution dans le temps. Là intervient l’intelligence artificielle. Pour relever ce défi d’avenir, l’institut mobilise les capacités apprenantes de l’IA (deep learning ou apprentissage profond) développées par ses équipes de recherche pour automatiser la télédétection à partir de prises de vue aériennes. Habitations, zones imperméables, espaces agricoles, végétation, en tout, 17 classes de couverture du sol sont référencées par l’intelligence artificielle. Si les interlocuteurs de Yanis connaissaient déjà certaines bases d’occupation du sol, il doit expliquer le niveau de précision de cette nouvelle base et ce qu’apporte l’IA mais doit aussi répondre aux besoins de prise en main de la donnée par les géomaticiens, ses interlocuteurs techniques. Les usages sont nombreux : suivre la consommation d'espaces à l'échelle de la commune, densifier, protéger, créer les trames vertes et bleues.

C’était quoi l’IGN ?

Lorsqu’on l’interroge sur ce qu’était l’occupation du sol pour lui avant d’entrer à l’IGN, il nous déclare « un incontournable pour les cartographes afin de décrire et d’analyser le territoire ». Nous pouvons croire le lauréat de « Meilleur cartographe algérien 2020 ». Il a mis à profit la période de confinement pour s’inscrire au concours de meilleur cartographe algérien, le concours devait faire ressortir les compétences artistiques et de design des cartographes. Le covid dans les Wilaya algériennes (des divisions administratives) fut son sujet, qui lui valut en guise de récompense une formation en cartographie par la société organisatrice. Est-ce un père professeur d’histoire et de géographie qui est à l’origine de sa vocation ? Oui, il reconnait avoir toujours aimé l’histoire et la géographie, l’amour de la nature et des cartes ont infléchi son choix. La découverte de l’IGN s’est faite lors des études de licence en utilisant la BD TOPO, le Géoportail et plus tard en stage les données du Registre parcellaire graphique. Maintenant qu’il connaît l’institut de l’intérieur il nous confie apprécier « la convivialité, l’ambiance joyeuse, familiale » avoue « ne jamais avoir été perdu. Entouré par des personnes compétentes, il suffit de faire deux pas et on a l’info, l’astuce ». Il reconnaît aussi «  des opportunités pour monter en compétences et ce gros plus des offres de formations de l’ENSG-Géomatique », l’école de l’IGN rattachée à l’Université Gustave-Eiffel. Matthieu Le-Masson, que nous croisons, déclare « Yanis, y’a rien qui dépasse, c’est le collègue parfait », pouvons-nous croire son supérieur hiérarchique ? Lequel rajoute « en plus il est bon au foot », voilà qui doit aider…

La mission et au-delà

Mais l’homme n’est pas terre à terre. En dehors de sa profession, c’est l’astronomie qui l’anime. Membre d’un club, il apprécie les zones protégées de la pollution lumineuse pour observer les étoiles et les photographier. Nous lui rappelons que les collègues géodésiens de l’institut ont appris à se positionner sur la Terre grâce aux étoiles, nos premiers GPS. Justement, Yanis voit son avenir dans la télédétection par satellite pour « comprendre la terre et si possible améliorer nos pratiques agricoles ».
Chaque matin, une question le préoccupe : « la cloche a-t-elle sonné ? » N’y voyez aucune réminiscence d’un  vieux traumatisme scolaire. Tout bonnement un rituel institué à l’étage de son bureau : tous les matins une cloche retentit deux fois, la première à 8h30 et la seconde à 9h30, elle sonne le rituel « café » où une dizaine d’agents se réunissent au bon vouloir du bénévole du jour qui a préparé cet instant de partage. Après, les affaires reprennent. Au-delà des cartes d’occupation du sol, Yanis voudrait en effet valoriser des produits intermédiaires, car l’IGN met à disposition en open data toutes les ressources qui contribuent au processus automatisé. Un autre gisement brut à explorer pour lui et continuer cette mission de passeur.

Par Eric Bonneau (IGN, Direction de la communication)

Mis à jour 27/11/2023