Le pouvoir des cartes pour représenter le monde

À l'occasion du Festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges, du 3 au 5 octobre 2025, l'IGN expose une carte géante de 36 m² dans le hall de la gare SNCF de la ville. Cet article présente les textes et images de cette carte adaptée au web.

Représenter son monde

La projection cartographique vise à représenter une sphère (la Terre) sur une surface plane (la carte). Mais cela ne va pas de soi ! Les méthodes mathématiques sont nombreuses et variées, et chacune aboutit à des déformations plus ou moins prononcées selon le point de vue adopté. La personne qui cartographie – ou celle qui commande la carte – peut choisir une projection plutôt qu’une autre pour utiliser les déformations afin de mettre en avant une partie du monde.

De la projection de Mercator, bien connue, à la Terre vue par un poisson, découvrez le monde à travers d’autres regards ! Chacune des cartes présentées ici met en évidence cinq pays, pour faciliter la comparaison des déformations entre les différentes projections.

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Projection équivalente ou conforme ?

Au milieu du XIXème siècle, le mathématicien français Nicolas Auguste Tissot imagine une technique pour visualiser de manière simple les déformations apportées par les projections cartographiques : c’est l’indicatrice de Tissot. Il place des cercles identiques à différents points du globe qui vont être déformés lors de la projection des données.

  • Si les cercles restent des cercles (ils peuvent varier en surface), la projection conserve les angles. On dit qu’elle est conforme.

  • Les cercles deviennent des ellipses, la projection conserve les surfaces. On dit qu’elle est équivalente.

  • Si les cercles sont étirés, inclinés et de surfaces différentes, alors la projection n’est ni conforme ni équivalente puisqu’elle ne conserve ni les angles ni les surfaces. On dit qu’elle est aphylactique.

Parlons d’échelle !

Sur un planisphère, l’échelle cartographique n’est pas constante car toute projection d’une surface sphéroïdale (comme celle de la Terre) sur un plan implique des distorsions. Ces déformations varient selon le type de projection utilisée et affectent différemment les longueurs, les surfaces ou les angles. Par conséquent, l’échelle réelle ne peut être conservée uniformément sur l’ensemble de la carte. Il existe donc toujours un ou plusieurs points ou lignes de référence (souvent un méridien, un parallèle ou le centre de la projection) où l’échelle est localement exacte. En s’éloignant de ces zones, l’échelle devient progressivement inexacte, ce qui limite la fiabilité des mesures directes sur la carte sans appliquer de corrections géodésiques.

L’ensemble des cartes sont à la même échelle du 1 : 29 200 000 (sur chacune des cartes imprimées pour le Festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges, 1 cm représente 292 km). Les points de référence sont différents pour chacune des cartes :

  • Pour Mercator, c’est au niveau de l’équateur (latitude 0°)

  • Pour l’approximation de McArthur, c’est au niveau des parallèles de latitude 45°N et 45°S

  • Pour Fuller, c’est le long des arêtes du solide recréé si l’on replie la carte

  • Pour l’approximation de Hao Xiaoguang, c’est sur le méridien central de 70°E

  • Pour Spilhaus, c’est à proximité du point central de la projection (longitude de 66.95°E et latitude de -49.56°S)

Créée en 1569 par Gérard Mercator, cette projection avait pour but de simplifier le calcul d’itinéraire des bateaux européens car elle conserve localement les angles (projection conforme). C’est une projection cylindrique, où le cylindre est tangent à l’équateur.

Cependant, elle crée d’importantes déformations dès que l’on s’éloigne de l’équateur (où l’échelle est exacte) et la position des différents continents aboutit à une mise en avant des terres du nord au détriment de celles du sud. De fait, cette projection conduit à centrer la carte sur les grandes puissances maritimes de l’époque : l’Espagne, le Portugal, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas.

En 1979, Stuart McArthur produit cette carte à 21 ans. Il y place son pays, l’Australie, en haut et au centre de la carte, proposant une vision différente du monde avec les pays du sud placés au-dessus de ceux du nord. Dans cette projection, les déformations en surface et en angles sont mieux réparties sur les différents parallèles et l’échelle est correcte sur les deux parallèles de 45°.

En l’absence de définition des paramètres utilisés par Stuart McArthur dans les outils de cartographie modernes, cette carte s’en rapproche en utilisant la projection stéréographique de Gall, puis en inversant la position du nord et en choisissant un méridien central à 155°E. Cette projection cylindrique aphylactique place la tangente entre le globe et le cylindre à 45°N et 45°S.

Créée en 2013 par Hao Xiaoguang, cette projection place la Chine au centre du monde, avec les deux pôles nord et sud, voire avec un troisième pôle au niveau de l’Himalaya, placés sur l’axe central de la carte. L’Amérique est scindée en deux et rejetée vers l’extérieur de la carte, tout comme l’Europe. Cette représentation du monde est devenue la carte officielle de la République populaire de Chine en 2013.

Cette carte est une inspiration de cette projection, le modèle ne semblant être disponible dans aucun logiciel. C’est donc une projection approchante qui est ici présentée : projection transverse cylindrique équivalente, avec un méridien central à 70°E (où l’échelle est exacte) et un facteur d’échelle de 0.8. La projection originale minimise les aplatissements de la pointe de l’Afrique et de l’Australie et n’est pas de forme rectangulaire.

Finalisée par Richard Buckminster Fuller en 1954, cette projection est parfois surnommée « une seule île dans un océan ». Dans la forme ici représentée (sa plus courante), les États-Unis sont placés au centre du monde, relevant sa place importante au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

Elle a la particularité de limiter les déformations par rapport à d’autres projections grâce à sa forme qui est un icosaèdre (polyèdre à 20 faces triangulaires). Toutefois elle ne conserve ni les angles ni les surfaces (projection aphylactique). De par sa construction, elle ne possède pas d’orientation unique, et l’échelle n’est exacte que le long des arêtes des faces du solide.

Inventée en 1942 par l’océanographe sud-africain Athelstan Spilhaus, cette famille de projections nous montre le monde centré sur l’océan mondial, rejetant les continents à l’extérieur et les déformant de manière très prononcée. La carte ci-contre correspond à la dernière version de 1979 dite « dans un carré ». On dit parfois qu’elle représente la Terre vue d’un poisson.

La carte basée sur la projection de Spilhaus utilise une version approchante, basée sur la projection Adams Square II. Mise au point récemment pour l’implémenter dans des logiciels de cartographie, cette projection conforme reprend toutes les caractéristiques de la projection originale de Spilhaus et réduit les déformations sur les océans.

Mis à jour 02/10/2025

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