Plongée aux archives

La cartographie au fil du temps

Plongez dans l’histoire de la cartographie française de 1667 aux années 2000 et découvrez comment, au fil du temps et au gré des avancées techniques, la cartographie a gagné en précision et en fiabilité.

Publié le 20 février 2021

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Transcription

En 1667, un astronome français membre de l’Académie des sciences, l’abbé Picard, entreprend de positionner des villes et des villages pour réaliser une carte de la région parisienne. Pour cela, il utilise la méthode dite de la triangulation. Regardons ce schéma. Si nous voulons connaître l’emplacement du point c, prenons un point a et un point b dont nous connaissons la distance entre eux, puis en visant le point c, mesurons les angles. Comme nous connaissons la longueur du segment ab ainsi que les deux angles, il suffit maintenant d’un simple calcul de trigonométrie pour connaître l’emplacement de c. Quel progrès ! Car avant cela les distances étaient mesurées avec des roues ou des règles, et les erreurs étaient souvent nombreuses. Désormais, avec la triangulation, en visant les tours, les monts et les points hauts du territoire, les résultats sont plus précis ! La méthode fonctionne si bien, que le roi Louis XIV et son ministre Colbert décident de l’utiliser pour cartographier le territoire français. Pour cela, ils font appel à une sommité dans le monde de l’astronomie, Jean-Dominique Cassini, dit Cassini Ier. Durant plusieurs décennies, avec le mathématicien Philippe de la Hire, de triangle en triangle, ils cartographient les territoires qui longent le méridien de Paris. Du nord au sud de la France ! L’idée ? Réaliser par maillage, un canevas qui constituerait le premier châssis de la cartographie du territoire. Mais avec le décès de l'abbé Picard en 1682, puis de Colbert en 1683, le projet se ralentit considérablement. Ce n’est que 60 ans plus tard, que Louis XV demande à César-François Cassini, Cassini IIIème ou Cassini de Thury le petit-fils de Jean Dominique, de finir le travail entrepris par son grand-père et par son père. Cassini accepte. Quelques années plus tard, les caisses de l’État sont vides. Le roi cesse alors de financer le projet. Cassini, déterminé à achever son œuvre, fonde alors la société de la carte de France. Une entreprise privée financée par des actionnaires et par la vente des cartes. A la fin du XVIIIe siècle avec l’aide de Jean-Dominique Cassini ou Cassini IV et plus de 30 ans de triangulation, le territoire français est cartographié dans sa presque totalité. 180 planches sont produites. Chacune recouvre un territoire d'environ 80 kilomètres sur 50 kilomètres. C’est la première carte moderne du territoire français en ce sens que sur l’ensemble du territoire elle peut se superposer à une carte d’aujourd’hui !

Au début du XIXe siècle, la carte de Cassini est enfin prête. C'est une véritable prouesse technique, néanmoins elle possède un inconvénient majeur ! L’absence de relief précis ! Elle est donc quasiment inutilisable, pour l'armée comme pour l’aménagement du territoire. Pour palier ce problème et préparer la défense du pays, Napoléon Ier décide en 1808 d’établir une nouvelle carte. Mais le contexte politique est difficile et il faudra attendre la chute de l’empire et l’avènement de Louis XVIII pour que le projet voit le jour. Des ingénieurs géographes, civils et militaires s’attellent à la tâche et effectuent les premiers relevés. Mais en 1827, les désaccords entre les deux équipes étant profonds, la maîtrise totale du projet est confiée à l’État-major des armées. Ainsi est née la carte de l'État-major. Les outils de mesure et les techniques mathématiques s'affinent, et permettent d'atteindre une précision des données encore inégalée. Après avoir collecté toutes les informations, reste encore à déterminer la façon de représenter le relief sur une carte. Et là, le débat fait rage ! Points côtés, lignes de niveau, hachures ? Finalement, ce sont les hachures qui seront retenues. Elles sont positionnées dans le sens de la pente, et plus les hachures sont rapprochées, plus la pente est raide. Avec ce premier système conventionnel, il est désormais possible de déduire la pente réelle du terrain en mesurant sur la carte, l’écartement, la taille et l’orientation des hachures.Une avancée majeure, de la représentation précise du relief du terrain.

En août 1826, l’ingénieur français Nicéphore Niepce prend la première photographie de l’histoire, le point de vue du Gras. Invention majeure, il est désormais possible de réaliser une image sans la dessiner. Et ce n'est pas tout, en 1903, les frères Wright, pionniers de l’aviation, réalisent avec leur avion nommé le Flyer, le premier vol motorisé contrôlé de l’histoire. Alors pourquoi ne pas combiner ces deux inventions afin de réaliser des photographies depuis là-haut ? Très vite, avec la Première Guerre mondiale, cette pratique se développe. Quoi de plus pratique en effet, pour observer les mouvements de l’ennemi, que de prendre des photos aériennes ! Mais revenons à la cartographie. À la fin du XIXe siècle, une autre invention voit le jour : celle du stéréoscope, un petit appareil qui permet de voir en relief grâce à l’utilisation de deux illustrations ou deux photographies. Cette technique, associée à la photographie aérienne, permet donc d’obtenir des images en relief du territoire. La photogrammétrie aérienne est née. Encore une avancée clé ! Dorénavant, pour cartographier le territoire, il suffit de prendre des photos aériennes et de les utiliser afin de réaliser un modèle de terrain. Dans les années 1950, l’IGN, l'Institut géographique national décide de photographier l’intégralité du territoire français pour le cartographier à partir des photos. Plus rapide et beaucoup plus précise que les techniques utilisées auparavant, la photogrammétrie aérienne permet de réaliser cette carte de France en 25 ans seulement alors qu’auparavant, il aurait fallu plus d’un siècle ! Belle évolution !

Nous sommes le 4 octobre 1957, quand l’union soviétique lance le premier satellite artificiel de l’histoire. Le début de l’ère spatiale commence ! Depuis, des milliers de satellites ont été placés en orbite autour de la Terre. Ils ont plusieurs usages : télécommunication, prévision météorologique, renseignement, océanographie, altimétrie…, certains remplissent des missions fondamentales pour la cartographie. Les satellites de positionnement par exemple, qui permettent de se localiser et de déterminer des coordonnées. Vous savez les fameux GPS ! Ou encore les satellites d’observation de la terre qui prennent des images de notre planète, transmises sous forme d’ondes. Ils permettent de décrire les reliefs du territoire en mesurant les décalages géométriques entre deux images du même lieu prises sous des angles différents . Ou encore d’analyser la nature des sols ! Exemple, nous voulons savoir si dans cette partie du globe il s’agit d’eau ou de terre. Pour cela, il suffit d’analyser la composition des ondes de la lumière du soleil que la surface terrestre renvoie vers le satellite. Le premier satellite d’observation de la Terre français SPOT1 a été lancé le 22 février 1986. Pour accompagner cette évolution, l’IGN, l’institut géographique national, crée au début des années 90 un service spécialisé qui se développe conjointement avec les satellites d’observation de la Terre : IGN Espace. Après les satellites SPOT1 à 7, je vous présente les  satellites Pléiades , qui permettent depuis 700 km d’altitude d’obtenir des images presqu’aussi détaillées que celles fournies par les avions ! IGN Espace combine des connaissances de pointe pour développer un savoir faire unique dans le domaine de la géométrie des images satellitaires et de la production de cartographie spatiale. 

Dans la seconde moitié du 20ème siècle, l’arrivée des ordinateurs, capables de traiter un très grand nombre de données et de calculer très vite, transforme une nouvelle fois le monde de la cartographie. Dans les années 1960, l’IGN s’équipe d’un ordinateur performant pour réaliser des calculs dit "géodésiques", qui précisent la forme de la Terre. L’ère du numérique commence ! Dès les années 70, l’Institut se munit également de tables traçantes. Regarde, elles dessinent les cartes toutes seules ! Avant, les cartes dessinées par les cartographes à la main sur du papier étaient longues à concevoir et difficile à partager. Mais avec ces tables, tout change ! Dorénavant, il est possible de travailler sur des cartes numériques qui seront ensuite dessinées par la table traçante. Ainsi, c'est plus rapide à fabriquer et la partager devient plus facile !

Nouvelle étape majeure quelques décennies plus tard en 2002 qui bouscule une nouvelle fois les méthodes de travail ! La première caméra numérique intègre les avions de l’IGN. Désormais, les photographies sont prises directement avec cette caméra, stockées sur des serveurs et travaillées numériquement. Seules quelques années sont maintenant nécessaires à la réalisation d’une carte ! Et une actualisation en temps réel n’est plus inimaginable ! Autre innovation qui a bouleversé le rapport de la cartographie avec les utilisateurs : l’apparition des cartes numériques consultables en ligne, imprimables à façon, voire même modifiables par les citoyens eux-mêmes. Et oui, les utilisateurs deviennent eux aussi des producteurs d’informations géographiques.

Mis à jour 09/03/2021